EXPRESSION ARTISTIQUE – FORME OU FOND ?

La voix : asservie à chanter des notes ou véhicule de l’expression profonde de l’être ?
Me sont venues quelques réflexions à propos du chant, transposables me semble-t-il à toute expression artistique, voire…à la vie…
Deux façons de concevoir le chant (danse, peinture, théâtre…) :
L’une qui est basée sur la forme, l’autre sur le flux vital.
Je m’explique :
Ce que j’appelle « chanter la forme » :
Nous sommes en face d’une forme : une partition, un chant sur un enregistrement, autre…que nous voulons « exécuter ». Nous allons interpréter, jouer, expliquer cette forme. Nous allons arranger les différents éléments selon des codes, conventions, habitudes, règles…Notre voix sera utilisée comme un objet que l’on polit, afin que son apparence soit conforme aux attentes, et qu’elle « colle » à une esthétique, une mode. Elle est asservie à chanter les notes.
Nous nous mettons ainsi au service de notre technicité pour accomplir cette prouesse.
Notre « juge-mental » sera présent, afin de contrôler que tout rentre bien dans le moule pré-établi.
Nous sommes dans une abstraction, « une bulle d’illusion » en quelque sorte, un rêve que nous avons construit avec notre mental.
Ceci est une approche intellectuelle, pouvant donner quelque fois satisfaction sur un plan de perfection et de forme. (la plupart du temps, nous n’atteignons pas nos attentes…)
La partie de notre corps la plus sollicité est notre tête – cerveau gauche.
Ce chant sera l’expression de notre « être existentiel ».
Ce que j’appelle « le chant du flux vital » :
Nous sommes présents à nous même, ici et maintenant. Nous sommes conscients de notre respiration, de notre cœur qui bat, de notre corps qui est vivant. Nous essayons de faire le silence à l’intérieur de nous même en lâchant le mental (celui qui commente, juge, compare… - lorsqu’il pointe son nez, nous le regardons passer, tel un nuage dans le ciel.)
Nous accueillons l’air que nous respirons : nous nous laissons inspirer. En écoutant ce silence intérieur qui se fait à chaque inspiration, nous préparons l’instrument que nous sommes (la voix=sujet), nous enlevons les tensions qui l’empêchent de bien résonner.
Dans ce silence, le flux vital jaillit, nous faisant vibrer en tant que corps-instrument. « Le vase donne une forme au vide et la musique au silence » - Georges Braque.
Ce flux vital, tel la sève d’un arbre, trouve le chemin vers la forme. Il crée la forme. Comme l’arbre dans son ensemble est contenu dans la graine, la forme est contenue dans la force.
Au lieu de chanter en répétition ce que nous connaissons, chaque son que nous émettons est nouveau, puisque il naît dans l’instant par une impulsion dynamique ; ce n’est plus « JE » chante, mais « CA » chante. Ainsi, le déroulement de l’œuvre, de l’évènement n’appartient plus à ce qui est prévisible, attendu (qui peut être redouté – mental), mais à l’inattendu, à l’étonnement. La technicité se mettra au service de cet élan de vie.
Le « paraître » disparaît, laissant la place à l’« être ». Le juge se tait et nous accueillons ce qui est présent, réel, tangible, faisant « un » (corps, esprit, son)
L’expression sonore émise par ce corps vibrant va toucher l’autre, parce qu’il est « expression de l’être essentiel ».
Karla Doyen

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Voilà qui est dit, et tellement bien dit!
J'ai été transportée par cette lecture. C'est exactement ce que je ressens, et que j'essaie de faire passer au gamins. Je suis ravie que Micheline intervienne à l'école, parce qu'elle travaille aussi dans ce sens.
C'est une belle clé vers le bonheur.
Vive le lâcher-prise!